mardi 2 avril 2013

Cheveux chéris au musée du quai Branly

Le musée du quai Branly mêle chevelure et culture.
Hélène Fulgence, directrice des expositions,
passe les cheveux au peigne fin.
Hélène Fulgence par Elsie

La chevelure est-elle l’objet de soins dans toutes les civilisations ?

Tous les hommes ont des cheveux sur le crâne. Cette matière lisse, bouclée ou crépue qui couronne notre visage est un sujet universel qui traverse toutes les cultures.

Nos cheveux expriment d'abord notre désir de beauté ?

Ils sont un élément de parure ou de séduction mais participent aussi à la fabrication de la personne humaine. Ils sont au croisement de l’intime et du social, témoignent de la dignité de chacun et des valeurs d’une société.

Notre façon de les coiffer est un langage ?

Bien sûr et selon les époques, la longueur ou la coiffure prennent un sens différent. Prenons l’exemple des cheveux lâchés des femmes : en France jusqu’au XIXe siècle, une femme respectable ne sortait pas cheveux dénoués ; elle devait les attacher dès qu’elle quittait l’univers intime. De nos jours, ce cheveu libre ne fait plus l’objet d’un interdit social. Mais dans d’autres cultures, la chevelure n’est montrée qu’au mari tant sa portée érotique est grande.

On s’affirme avec ses cheveux ?

Ce sont des marqueurs de trangression et d’adhésion à un groupe. Prenez la coupe afro des années 1970 : elle exprime la révolte des Noirs américains, affirmant leurs cheveux crépus et leur négritude face à l’esthétique blanche, peau  claire et cheveux lisses.

Cheveux bouclés ou crâne rasé, tout est message ?

Le culte de la boucle remonte aux Grecs, à Apollon symbolisant le Dieu enfant. Les médailles d’Alexandre le Grand, avec sa crinière ondulée, ont véhiculé ce modèle dans toute la Méditerranée. Les longs cheveux bouclés sont symboles de puissance. Regardez la chevelure épaisse des Vikings, celle des rois francs, la mode des perruques lancée par Louis XIV à la cour. Le crâne rasé peut représenter le refus de l’ordre social comme dans le mouvement skinhead, ou le châtiment des femmes tondues en 1945. Il dit aussi le renoncement quand on entre dans les ordres ou la libération quand les femmes, après-guerre, adoptent des coupes garçonnes.

Leur couleur est aussi un symbole ?

Depuis Apollon, la blondeur c’est l’enfance, le soleil, l’or, le symbole de ce qui est précieux. Hollywood a joué sur ces archétypes en surexploitant la couleur jusqu’à la caricature, : les blondes sages comme Grace Kelly ou infantiles comme Marylin s’opposent à la brune Ava Gardner qui incarne l’intrépidité et une part virile. La sulfureuse chevelure rousse de Rita Hayworth fait d’elle un sex-symbol. Dans l’histoire, le roux, victime de sa rareté, signe le commerce avec le diable. Il symbolise le péché – Marie - Magdeleine est souvent représentée avec des cheveux roux – ou la sorcellerie au Moyen Âge.

Les cheveux expriment un lien avec l’âme…

Le cheveu pousse même après notre mort, il est imputrescible et nous relie à l’éternité. Son terreau c’est le crâne, le siège de la pensée, de l’âme pour les croyants. Notre chevelure est imprégnée des pouvoirs de cette intelligence humaine et divine. Une mèche de cheveux reste vivante, reliée à l’esprit du disparu. En témoignent la mode des cheveux en médaillon en Occident jusqu’au XIXe siècle ou les pectoraux amérindiens faits avec les cheveux des ennemis tués qui conservent leur pouvoir. Partout l’homme agit sur les cheveux pour participer au deuil, lier le vivant à l’au-delà et pour renaître.

Propos recueillis par Catherine Lalanne le 27 décembre 2012




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